Ecouter et respecter les sentiments des enfants
Attention : pavé ! lol
Chaque jour, mes enfants expriment de nombreux sentiments. Quand ce sont des sentiments agréables tels que la satisfaction, le plaisir, ça va, mais quand il s'agit de colère, de déception, de douleur, d'ennui, de peur, de jalousie, etc., ce n'est pas facile de toujours les accueillir avec respect et empathie. Parfois les sentiments exprimés me font de la peine, parfois ils m'énervent ou me fatiguent, parfois je me sens impuissante, etc. Et plus il y a d'enfants, plus il y a de sentiments "éprouvants", plus je me sens peinée, énervée, fatiguée, impuissante, et plus je réponds à "côté de la plaque". Et sans que j'exprime quelque chose qui semble vraiment violent, et bien mes enfants peuvent se sentir agressés ou blessés.
Je vous propose de vous donner quelques exemples récents et d'analyser ensemble des réponses possibles et leurs conséquences.
1ère situation :
Après l'école, à 16h, nous allons au parc. J'ai préparé un sac avec le goûter, choisissant avec soin ce qui ferait plaisir à mes enfants. Loup prend le petit pain au lait et Puce un biscuit. Chat (4 ans 1/2) arrive en dernier, prend le sac, regarde ce qui reste dedans (une madeleine) et se met à geindre : "Il n'y a plus de petit pain ?! Il ne reste que ça ? Je ne veux pas de madeleine !".
Là, je me sens impuissante (nous sommes au parc et je n'ai rien d'autre à proposer), ennuyée (je n'ai pas anticipé que mon Chat préférerait un petit pain), énervée (ils changent d'avis tout le temps !) et honteuse (je suis sûre qu'il va me faire une scène devant tout le monde). Un super coktail !
Aller, à votre avis, qu'est-ce que vous pourriez répondre dans cette situation ?
Imaginez une phrase de réponse...........................................
Personnellement, j'ai commencé par répondre : "Je t'ai pris une madeleine parce que, d'habitude, tu préfères les madeleines."
Chat n'a pas du tout apprécié mon commentaire. Il a commencé à faire une colère : "Tu me prends toujours des madeleines ! Je vais pas en manger tous les jours !!" Et il a jeté le sac par terre. La pression monte et pourrait entraîner une réaction en chaîne : colère de maman, renforcement de la colère de Chat, punition, etc.
Comment se sent mon petit Chat quand il réalise qu'il n'y a plus de petit pain, à votre avis ? Quel est son sentiment ?
Oui, il est déçu ! Pas en colère, déçu. Alors pourquoi fait-il une colère ? Et bien c'est moi, par ma réponse, qui l'ait poussé à s'énerver. Je n'ai pas pris en compte ses sentiments de départ ! J'ai voulu rationaliser alors qu'il était en proie à un sentiment difficile, une émotion vive ; ce n'était pas le bon moment !
Heureusement, lorsque j'ai vu qu'il s'énervait tellement, au lieu de me fâcher, je me suis dit : "Stop ! Communication non-violente !"
Je l'ai regardé dans les yeux et je lui ai reflété ses sentiments : "Tu es déçu, tu aurais voulu un petit pain au lait toi aussi. Et maintenant tu es aussi en colère car maman n'a pas compris comme tu étais déçu." Et bien, j'ai eu du mal à y croire, mais alors qu'il était au bord de l'explosion, il s'est assis tranquillement, a pris la madeleine et m'a demandé : "Maman, tu peux me l'ouvrir s'il-te-plaît ?".
Ce que j'ai retenu d'important : Lorsque les émotions fortes sont retombées, les enfants peuvent accéder à une explication rationnelle (courte), mais pas avant. Et pour faire retomber les émotions, il faut écouter et prendre en compte les sentiments. C'est vraiment la clef, la base de tout le reste.
Situation 2 :
Puce, 23 mois, s'est installée les coudes et le dos sur le canapé, les pieds sur un pouf, les fesses entre les deux. Je ne saurais vous expliquer exactement, mais bref, elle est mal installée. Le pouf recule avec la pression et Puce finit par tomber entre les 2 sièges. Elle se met à pleurnicher : "Aïe, ai mal, main..." Mais elle n'est pas tombée de haut et n'a pas pu se faire bien mal.
Aller, comment vous réagiriez, sincèrement ?
Une réponse ? ..........................................................
Mon premier réflexe aurait pu être : "Aller, ce n'est pas grave ; un petit bisou et ça ira mieux." Et si j'avais déjà été excédée un peu plus tôt, j'aurais rajouté : "Tu t'étais installée n'importe comment aussi ! Je t'ai déjà dit de t'asseoir correctement sur le canapé !"
Mais ces deux phrases auraient été violentes. La première parce que ce n'est pas à moi de décider si ça fait mal ou pas. Comment peut-elle apprendre à faire confiance à ses sensations si maman lui dit que ça n'est rien quand ça lui fait mal ? Peut-elle apprendre à reconnaître les situations de danger ?
La deuxième phrase pourrait être traduite ainsi : "Je fais n'importe quoi, je n'écoute rien, je dois être idiote." Quel bon début dans la construction de l'estime de soi !! De plus, elle n'a pas besoin qu'on lui explique qu'elle était mal installée, elle s'en est rendue compte tout seule !
Par bonheur, j'ai tout de suite fait attention et lui ai dit :
"Oh, on dirait que tu t'es fait mal.
- Oui. Puce sourit et vient vers moi.
-Tu veux un bisou ?
- Oui."
Et Puce repart jouer.
Ce que j'ai retenu d'important : Les sentiments exprimés ne doivent pas être niés. Une même situation n'est pas forcément vécue de la même manière par deux personnes et pourtant, ce que chacune ressent est réel.
C'est pareil lorsqu'un enfant nous dit qu'il a peur d'une chose qui a priori, ne fait pas peur. L'enfant est effrayé et lui dire que ça ne fait pas peur, ça ne sert à rien. On ne fait que nier ses émotions ! Il continue de hurler ou d'être tétanisé.
Puce, 23 mois, se met à crier : "Mouche ! Mouche !!"
- C'est juste une mouche, ma chérie, ça ne fait pas peur !
- Mouche ! Mouche !! Mouche !!!! Puce crie de plus en plus fort et se met à pleurer.
Me ravisant : - Tu as très peur de la mouche.
- Oui !
- Elle t'effraye vraiment beaucoup.
- Oui." Puce est calmée, pourtant la mouche est toujours dans la pièce.
Puce est rassurée, elle sait que maman a compris et qu'elle fera ce qu'il faut si nécessaire.
Situation 3 :
Loup, 7 ans 3/4, tourne en rond puis s'affale sur le canapé : "J'sais pas quoi faire. J'm'ennuie... Y'a rien à faire ici !"
Alors, je ne sais pas vous, mais moi, le "Y'a rien à faire ici !" me rend furieuse. Autant je peux entendre qu'il s'ennuie, autant je me sens agressée par sa dernière phrase ! Du coup, j'ai tendance à réagir au quart de tour...
Et vous, quelle serait votre réaction ? .........................................................
Habituellement, me sentant agressée, j'aurais tendance à répondre : "Comment ça, il n'y a rien à faire ici ?! Vous avez des tonnes de jeux, de livres..." et puis, me calmant, je pourrais lui proposer des solutions : "Tu ne veux pas lire ou dessiner ?" Généralement, ça aboutit à un échec cuisant : "Non ! J'ai pas envie ! Y'a rien qui me plaît.". Auquel cas, lassée, je pourrais lui dire : "Tu sais, c'est bien aussi, de temps en temps, de s'ennuyer.". Et à ce stade, très souvent, j'ai mon Loup qui s'en va en bougonnant. La communication est interrompue. Je n'ai pas tenu compte de ses ressentis.
Voilà maintenant notre dialogue de l'autre jour :
"J'sais pas quoi faire. J'm'ennuie... Y'a rien à faire ici !"
- Tu as l'air de beaucoup t'ennuyer, en effet.
- Oui, je ne sais pas quoi faire.
- Tu ne sais pas quoi faire.
- J'aimerais bien faire un bricolage, mais tu ne seras pas d'accord.
- Ah...
- Oui, parce qu'on n'a pas tout le matériel qu'il faut.
- Tu veux me montrer ?
Il va chercher le livre de bricolage et me montre le bricolage en question. Je le regarde en détails.
- Oui, c'est embêtant, il manque plusieurs choses.
- On pourrait les acheter ?
- Pourquoi pas. Ca pourra servir pour d'autres bricolages aussi.
- Mais on est dimanche et les magasins sont fermés.
- Que dirais-tu de me faire une liste du matériel qu'il te faut ? Je pourrai peut-être l'acheter bientôt.
- Ok."
Et Loup s'en va, tout content, faire sa petite liste.
Impressionnant, non ? Loup cherchait juste à me dire quelque chose ! La communication a pu se dérouler jusqu'au bout et son problème a été résolu !
Ce que j'ai retenu d'important : montrer à l'enfant qu'on l'écoute vraiment, qu'on prend en compte ses émotions, cela le sécurise et lui permet de se libérer.
Situation 4 :
Toute la famille est à la piscine, mais il est presque midi : c'est l'heure de partir. Il y 3 enfants à laver, sécher, habiller, 20 minutes de route et la faim se fait sérieusement sentir. Loup quitte le bassin où il jouait avec d'autres enfants en gémissant : "Ils ont trop de chance, eux, ils peuvent rester plus longtemps à la piscine !"
Que lui répondriez-vous ? ....................................................
Moi je sais que je pourrais lui dire quelque chose dans ce style :
"Il est bientôt midi, Loup, ça fait deux heures qu'on est là, tu as eu le temps de jouer quand même !" ou bien "Peut-être qu'ils habitent plus près, eux." ou alors, vraiment à bout : "J'en ai marre, quoi qu'on fasse, tu n'es jamais content !"
Alors là, entre la rationalisation qu'il ne peut pas entendre et la phrase qui "tue", j'aurais tout faux. Avec les enfants, il faut à tout prix éviter les "toujours" et les "jamais" qui enferment. Un enfant auquel il sera répété plusieurs fois "tu n'es jamais content" risque fort de se conformer à ce qu'on dit de lui et de devenir un "insatisfait chronique"...
Ce jour-là, j'ai bien essayé de refléter ses sentiments, mais ce fut sans succès :
"Tu aurais bien aimé rester plus longtemps toi aussi.
- Oui, ils ont trop de chance !
- C'est vrai qu'ils ont de la chance.
- J'aimerais rester encore un peu !
- Je vois que tu n'es pas content de devoir partir.
- On ne peut pas rester jusqu'à midi ?"
Bref, raté... Je n'y ai pas pensé, mais dans cette situation, j'aurais pu utiliser l'imaginaire et lui dire par exemple : "Ca aurait été super de pouvoir rester ! Qu'aurais-tu eu envie de faire encore ? Le grand toboggan jaune ?". Je l'aurais laissé me raconter tout ce qu'il aurait aimé faire et ça aurait sûrement suffit !
Ce que j'ai retenu d'important : un "outil" de communication peut ne pas fonctionner, pour diverses raisons. Il faut alors tenter d'en utiliser un autre.
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Ce n'est pas facile de mettre en place une communication non-violente, même avec la meilleure volonté du monde.
Le Dr Gordon rappelle à juste titre dans son livre Parents efficaces que les parents ne sont pas des dieux, mais des êtres humains. Il est essentiel de rester connecter à ses propres sentiments et ne pas faire comme si une situation nous était supportable lorsqu'elle ne l'est pas.
Les parents ont le droit d'exprimer des émotions aussi !
Merci à ceux qui sont arrivés au bout de cet article ! Et Bravo ! mdr. J'espère que ça vous a plu ! Des commentaires, des questions ? N'hésitez pas !
Le prochain atelier sera sur le thème "Susciter la coopération des enfants".
ps : les photos sont des mises en scène. Ca a d'ailleurs beaucoup amusé les enfants !